Merz et le scandale de lamiante: lombre du passé ressurgit
Merz et le scandale de lamiante: lombre du passé ressurgit
Comme ancien manager de Schmidheiny, le Conseiller Fédéral Hans-Rudolf Merz, cent jours après son élection au Conseil Fédéral, est rattrapé par son passé: en effet une dénonciation pénale contre le Ministre des finances a été déposée à Syracuse (Sicile) pour homicide par négligence.
La dénonciation est dirigée contre 20 dirigeants de lempire de lamiante de Stephan Schmidheiny dont Hans-Rudolf Merz. Il sagit de cadres des firmes de Schmidheiny dont les noms sont Anova, Amiantus, Amindus, Ametex et Becon. Au milieu des années 70, Merz avait été chargé par le père Max Schmidheiny de régler une série de dossiers et, en tant que conseiller dentreprise indépendant, il avait pour fonction de recruter le personnel des succursales dEternit, jusquen Afrique du Sud dans les années du régime dapartheid. Avant son élection au Conseil Fédéral, il a été durant 15 mois Président du conseil dadministration de la Holding Anova, de Stephan Schmidheiny.
La dénonciation a été déposée à Syracuse par les avocats italiens Silvio Aliffi et Manlio Frigo. Ceux-ci représentent 510 victimes de la firme dEternit en Sicile ainsi que leurs survivants. Cest la première fois que le multimilliardaire Stephan Schmidheiny a aussi été cité.
La maison-mère Eternit est responsable
La firme Eternit en Sicile dont le siège est à Syracuse appartenait jusquen 1986 aux succursales étrangères de Stephan Schmidheiny, Eternit. Puis lentreprise fut vendue à des investisseurs italiens. En 1993, la production a été arrêtée, à la suite de linterdiction de lamiante. Depuis 1996, un procès contre les cadres de lentreprise italienne Eternit est en cours. Ils sont accusés davoir pris des mesures de sécurité insuffisantes pour protéger les travailleurs et les travailleuses des poussières mortelles damiante. Au cours du procès intenté contre la firme sicilienne, pour lavocat Silvio Aliffi, il est clair que les mesures de sécurité insuffisantes sont de la responsabilité de la maison-mère en Suisse. «Nous avons remis à lautorité pénale quatre-vingt-un documents qui prouvent que les mesures de sécurité dEternit étaient centralisées et prises depuis la Suisse». La faute aux mesures insuffisantes de sécurité en revient à léquipe dirigeante dEternit Suisse» ajoute lavocat Aliffi. «Par notre plainte, nous voulons confronter les représentant des victimes siciliennes face aux responsables dEternit- Suisse».
En Italie, la fibre damiante dangereuse était produite dans des entreprises de Syracuse, Bagnoli, Reggio Emilia et Casale Monferrato. Cette ville de province du Nord de lItalie de 37000 habitant-e-s a acquis une triste réputation à cause de nombreux cancers dus à lamiante. Jusquen 1986 lentreprise dEternit comptait 2000 employé-e-s. Aujourdhui, chaque année, vingt à trois cent vingt-cinq personnes meurent de mésothéliome. Au début des années 80, déjà, la direction de la fabrique a été rendue responsable, lors dune première procédure juridique, dinsuffisance de mesures de sécurité prises dans lentreprise. Les managers dEternit dont Leo Mittelholzer, aujourdhui chef de la Holcim Suisse, sont depuis 1996 de nouveau appelés en justice. Par ailleurs, en Italie toujours, le Parquet de Turin a ouvert une enquête pénale pour homicide contre Eternit Suisse, rachetée par Holderbank en 1995 (aujourdhui Holcim). Les victimes sont des employés italiens ayant travaillé en Suisse. Holcim a revendu Eternit en novembre dernier au groupe zougois SA Holding… (pi) |
Or, pourquoi les victimes de lamiante nont-elles déposé leur plainte que dix ans après la fermeture de lentreprise? Aliffi lexplique: «Nous avions besoin de beaucoup dannées avant de pouvoir démêler le filet impénétrable des firmes qui dépendent de la maison-mère et de confirmer leurs rapports dappartenance». La police judiciaire italienne, qui, dans de tels cas, facilite de telles recherches na fourni aucune documentation fiable. Cest le procureur Roberto Campisi qui est responsable de la dénonciation. Il doit aussi sen référer au procès, en décidant sil veut mener une enquête pénale contre les dirigeants actuels. Le procureur va devoir prendre quelques mois avant de prendre une décision. Il devra probablement avoir des entretiens personnels avec les dirigeants. «Nous veillerons à ce que le procureur entende aussi le Ministre des finances Merz», ajoute le représentant des victimes Silvio Aliffi «Hans-Rudolf Merz, comme ancien président du Conseil dadministration de la Holding Anova devrait avoir une connaissance globale de la situation financière de la Holding. La firme Anova était pour ainsi dire le trésor de cet échafaudage dentreprises». A la décharge du ministre des finances, lavocat sicilien retient que Merz avait repris le siège dAnova pendant peu dannées et à une époque où la production était exempte damiante.
Lespoir viendrait du procureur Turinois
Si le procureur devait ouvrir une enquête, il serait obligé de faire parvenir le dossier pénal en Suisse. Le Conseil Fédéral, tôt ou tard, serait amené à décider de la levée de limmunité parlementaire dHans-Rudolf Merz. Dieter Leutwyler, le correspondant de presse du Département des Finances rejette cette dénonciation quil considère comme absurde: «Le Conseiller Fédéral Merz na exercé à aucun moment une responsabilité centrale dans cette entreprise dEternit»
Silvio Aliffi et Manlio Frigo espèrent que le procureur Roberto Campisi va reprendre la nouvelle documentation du procès en cours contre la direction dEternit Sicile et quil va létendre aux deux dirigeants cités plus haut. Les deux avocats veulent déposer la même dénonciation dans les prochaines semaines à Turin. Le procureur Raffaele Guariniello, qui a déjà ouvert une enquête pénale pour homicide à Turin contre les managers dEternit à Niederurnen, à la suite de nombreuses morts dues à lamiante, serait disposé à mener cette procédure.
Maria ROSSELLI
Traduction: Pierrette ISELIN
Article paru dans Work du 19 mars 2004